Lengguru: une mosaïque d’écosystèmes originaux

Lac Kamaka ©Laurent Pouyaud

Lac Kamaka
©Laurent Pouyaud

La chaîne de Lengguru se caractérise par des séries de plis montagneux culminant entre 900 et 1500 mètres et séparés par des vallées profondes, parfois totalement fermées où l’écoulement des eaux se perd dans des failles – on parle de vallées endoréiques.

 La topographie de Lengguru est surtout composée par des formations calcaires appelées « karts », dessinées au cours des derniers millions d’années par l’action conjuguée des eaux de ruissellement et du dioxyde de carbone dissous.

 Ce paysage rugueux et accidenté abrite  une multitude de labyrinthes naturels aussi bien à sa surface, que sous terre, ou dans sa partie marine. Autant d’écosystèmes originaux tels que des lapiazs, des poljés, des siphons, des rivières en pointillés et de nombreux lacs endoréiques, des dolines, des grottes et des réseaux souterrains. Altitude, profondeur, obscurité, humidité, isolement, salinité et température y maintiennent depuis des millions d’années une mosaïque de niches écologiques propices à l’adaptation et à l’évolution des espèces.

Lapiazs et forêts d’altitude

Lapiazs © Vivien Bailly

Lapiazs
© Vivien Bailly

Les lapiazs sont des plateaux calcaires fissurés et érodés, recouverts par différents habitats forestiers en fonction de l’altitude, du substrat géologique, de l’exposition aux vents dominants, aux moussons, et de leur degré d’isolement. La biodiversité papoue étant connue pour augmenter avec l’altitude, ces milieux jamais explorés abritent potentiellement des communautés animales et végétales uniques et inconnues.

Poljés, lacs endoréiques, rivières en pointillés

Poljé © Vivien Bailly

Poljé
© Vivien Bailly

Les poljés sont de larges dépressions elliptiques en forme de canyons ou de vallées qui abritent parfois des systèmes endoréiques, comme des marais ou des lacs. Les eaux disparaissent dans les profondeurs du karst, parfois sous la forme de siphons ennoyés ou de rivières souterraines dites « en pointillés », correspondant à une alternance de portions aériennes (en surface) et de portions souterraines.

Les poljés les plus anciens, situés au cœur de Lengguru, sont contemporains de la formation du massif, il y a 10 millions d’années. Isolés par des falaises abruptes, ces poljés abritent probablement une biodiversité inattendue et des vestiges vivants de la biodiversité du passé.

Atteindre et explorer ces régions isolées, probablement jamais visitées par Homo sapiens, représente un vrai challenge pour les scientifiques de l’expédition.

 

Rivière en pointillé © Bruno Fromento

 Dolines, grottes, réseaux souterrains

Doline © Gilhem Maistre

Doline
© Gilhem Maistre

Les dolines sont des dépressions circulaires dues à l’érosion et à l’effondrement des calcaires en milieu karstique. De quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres de diamètres, elles offrent parfois, au même titre que les grottes, un accès au monde souterrain sur plusieurs kilomètres de réseau.

La biodiversité des milieux souterrains est peu étudiée dans les karsts tropicaux. Ces habitats sont pourtant connus pour abriter une proportion plus importante d’espèces endémiques que n’importe quel milieu de surface.

La stabilité des conditions environnementales et l’ancienneté des réseaux souterrains permettent parfois la persistance d’espèces reliques qui ont disparu à la surface. Leur découverte peut donc combler des chaînons manquants et permettre de mieux comprendre l’histoire évolutive des groupes terrestres.

Quand ils sont suffisamment anciens, les karsts peuvent abriter des espèces hypogées, comme des poissons ou des crustacés aveugles. Ces espèces se sont adaptées aux milieux souterrains et sont généralement caractérisées par un corps dépigmenté, un système sensoriel développé et une cécité.

 Karsts marins et pentes récifales

Karst marins © Régis Hocdé

Karst marins
© Régis Hocdé

La zone frontale de Lengguru plonge dans la mer de Seram jusqu’à plus de 2000m de profondeur. Comme pour sa partie émergée, elle est constituée d’un réseau karstique qui est ennoyé par la mer. Ce karst s’est formé lors des diverses régressions marines et abrite également une grande diversité d’habitats comme des grottes et réseaux souterrains immergés, des résurgences d’eaux douces (Vruljas), des canyons et vallées fossiles, des lacs marins côtiers, et de nombreuses pentes récifales.

Ces milieux inconnus seront explorés verticalement par des équipes de plongeurs munis de systèmes recyclés jusqu’à environ 100m de profondeur.