Les pieds dans l’eau

Le mardi 2 novembre

Par Olga Otero olga.jpg, oct. 2010 Voilà trois jours que Domenico participe aux pêches du groupe qui explore les petites rivières qui débouchent dans le sud de la baie d’Arguni. L’objectif : collecter des espèces qui sont probablement inconnues (gobies et rainbow), pour mieux connaitre la diversité de ce coin de planète et comprendre comment cette richesse s’est mise en place au fur et à mesure de l’évolution des habitats et de leur fragmentation. Il vous en fait un récit circonstancié. Pendant ce temps, autour de la grotte du Sewiki, une bonne partie de la troupe a continué son travail. Ce matin, avant de vaquer paléontologie, nous y avons déposé nos deux archéos préférés (Budiman et Erlin) qui nous ferons un rapport de leurs travaux entre étude du site et enquête auprès des populations. Il y a au moins un site de sépulture à décrire : à l’arrivée sur la berge au pied de la colline où le campement est établi, des ossements dont deux crânes humains nichent dans des anfractuosités donnant un air hamletien incongru au site. Budi a aussi fait parti des nouveaux arrivé. Pour ceux qui étaient déjà là et qui ont donc assisté à la cérémonie hier, aucun n’a été fichu de me transmettre les photos promises (je tais les noms). Il nous faudra encore attendre un ou deux jours !

En tout cas, entre pirogue, mangrove, caves inondées, rivières, eau de la baie et pluies diluviennes, une chose nous unit tous dans quelque coin de la baie d’Arguni que nous soyons : on a les pieds dans l’eau… parfois le reste au sec.

Sinon, je voulais signaler à tous nos lecteurs et surtout à nos correspondants que les commentaires laissés sur le blog sont lus avec attention. Par les rédacteurs (avides de connaitre le possible succès de leur prose hésitante, auraient-ils un quelconque talent) mais aussi par les autres (qui finiront bien par s’y coller : je n’ai pas dit mon dernier mot !!!). Ce sont aussi des sujets de discussion, d’interrogation parfois (quelques inquiets) et surtout de réconfort.

MERCI A TOUS.

Enfin, pour répondre à Cat : le docteur est toujours parmi nous, mais sa contribution d’hier avait déjà dû te rassurer à ce sujet.

Olga Otero, de l’arrière du Airaha, où se déroule dans le noir (le groupe tourne entre 17 et 21h au max chaque jour) une passionnante discussion sur les chiens entre Jean, Domenico et Gilles.

Trois journées de pêche

Par Domenico Caruso caruso.jpg, oct. 2010 Et voila, je vais vous relater trois jours de collecte de poissons dans les petites rivières qui débouchent ou qui ne débouchent pas dans la baie d’Arguni. L’objectif de nos journées est de trouver des petites criques d’eau douce, avec une pente respectable pour permettre à nos chers gobies de trouver leur résidence d’adulte, sans évidemment oublier de repérer des eaux paisibles et propices pour les Rainbow.

Avant toute chose, il fallu trouver un piroguier pour nous accompagner dans ces petits coins inconnus. Jacques et moi allons discuter au village pour trouver notre sésame. Evidemment cela fait tout de suite bruit dans le village et le temps d’arriver à la case du piroguier en question, nous voilà accompagnés d’un joli cortège d’enfants, d’adultes et quelques petits chiots noirs et jaunes. Assis sur la terrasse devant sa case, les discussions vont bon train et un accord est rapidement trouvé avec pak Martalus. Il mettra à notre disposition sa pirogue et ses connaissances des lieux pour que l’on puisse capturer l’objet de nos convoitises scientifiques, bien entendu. Il est prévu une première journée d’exploration puis de pêcher les autres jours. Ce sont ces trois jours de pêche que je vais vous relater. C

e premier jour, la pirogue arrive au Airaha, notre bateau, pour embarquer l’équipe. C’est une pirogue très élancée dotée d’un franc bord généreux, mais elle semble bien rouleuse. Le doute sur la stabilité ne fait que s’accentuer quand Marc, Gilles, Connie et Gigih montent à bord Ohi ohi (Aïe aïe aïe). Bon, bref leur promenade de prospection fut houleuse, avec des creux d’un mètre et quelques frayeurs, mais plein des jolies choses, une colonie de chauve-souris géantes, des crocodiles, des oiseaux,  des grottes et résurgences sulfureuses. Bien évidemment, des poissons aussi. Cela promet bien pour demain.

Le lendemain, c’est dimanche jour du Seigneur et il a fallu attendre notre piroguier jusqu’à la fin de l’office. Mais enfin, nous voila en retard certes, mais tout à fait dans le coup pour une première collecte. Gilles avait vraiment raison : la pirogue est une véritable luge et on ne fait pas du cabotage mais du bob à sept. Nous sommes en effet sept à partir à la pêche et cramponnés à la pirogue. Avec seulement la tête qui sort du franc bord on dirait vraiment les sept nains. PHOTO_1.jpg, nov. 2010 Par la suite, les discussions à bord du navire fuseront pour l’attribution des appellations. Atchoum c’est Gigih, mais un doute persiste dans l’attribution du rôle de Grincheux et de Joyeux. Gilles et moi, on se partage 50% l’attribution de Grincheux et Amir devient résolument Joyeux. Donc entre un roulis et un tangage nous voila partis vers la rivière « Gebiasi ». Nous remontons une anse de la baie qui bientôt devient rivière. Le paysage est magnifique : mangroves tout autour et la forêt en face est majestueuse et raide ; heureusement qu’on n’a pas à y grimper. Enfin, on arrive et on débarque au milieu de nulle part dans la mangrove. Ce qui est étonnant, c’est qu’à chaque fois que je dois descendre dans la mangrove je me dis «mais que ce que je fais ici ?» c’est un leitmotiv qui me persécute depuis toutes les mangroves où j’ai pu enfoncer. Et cela ne loupe pas on s’enfonce, on glisse, on tombe et on se demande ce qu’on fait car l’endroit n’est pas propice pour nos poissons. Mais après une montée on quitte la mangrove et on arrive en foret et tout de suite, voila une petite rivière, pas plus longue que 150 mètres, avec une eau limpide et un bon petit courant. En effet, la rivière nait véhémente d’une résurgence pierreuse et elle forme comme un petit étang et disparait par enchantement sous les racines d’un arbre. PHOTO_2.jpg, nov. 2010 Mais le plus important c’est que les rainbows sont là avec des Macrobrachium sp. et d’autres crevettes. Vite, ils sont capturés et mis dans les sacs. Ils sont magnifiques et le male à vraiment des couleurs très vives. On se regarde avec Gigih et nous ne reconnaissons pas l’espèce. Peut être que la pioche est de taille mais on attendra le verdict de Laurent. Bon nous sommes contents comme des Artaban et gonflés à bloc nous repartons pour voir une autre rivière. On arrive. Elle a l’air bien et nous sommes sûrs d’avoir du succès à nouveau demain.

Que dalle, le lendemain c’est une journée sans. On remonte toute la rivière sans attraper grand-chose, et surtout ni gobies ni rainbows. Mais nous ne décourageons pas et l’après midi on va s’attaquer à une autre rivière de l’autre coté de la baie. Bon on a cherché, on a marché, mais la rivière était introuvable et quand on la trouve elle est presque à sec et vide de poissons. On est un peu déçus, car ce que j’oubliais de vous dire, c’est que pour en arriver là, nous avons marché sur des dolines absolument escarpées, glissantes, avec un sous bois absolument piquant, urticant, épineux, bref tout ce qui peut griffer (et puis gratter) c’est pour nous. Bon c’est comme ça. Dans le dédale de la mangrove, nous sommes tombés sur un grand chantier naval de découpe de pirogue. PHOTO_3.jpg, nov. 2010 Mais aujourd’hui les dieux de la pêche sont avec nous et après une superbe ballade en pirogue-bob de course on a traversé la mangrove et par une route en construction on arrive à la rivière. PHOTO_4.jpg, nov. 2010 Elle très belle et l’eau très fraiche et nous y plongeons allégrement pour traquer des rainbows. De fil en aiguille nous remontons la rivière en pataugeant avec l’eau jusqu’à la poitrine. Puis la rivière disparait. Que cela n’empêche, nous rentrons dans la forêt, pour rattraper la rivière en amont, on évite des pièges à cerf posés par les chasseurs (enfin presque tous car j’arrive tout même à en déclencher un qui passe vite, très vite sous mon nez). Voila ainsi on écume la rivière et nous remplissons les sacs des rainbows colorés. Le retour se passe dans la bonne humeur, les piroguiers s’essayent à un chant papou et moi j’inflige des airs d’opéra aux compagnons. Je ne suis pas sûr que le piroguier apprécie, du moins si on considère le roulis accru de la pirogue comme un signe d’assentiment.

Par Domenico Caruso

5 réflexions au sujet de « Les pieds dans l’eau »

  1. Bonsoir Domenico,
    heureusement que tu es arrivé pour aider Olga à rédiger votre feuilleton quotidien ! en tous les cas , bravo à tous les deux ! les collègues ne se déchargeraient ils pas un peu ?? continue à nous régaler de récits et fais attention aux pièges de toutes sortes !
    comment rapportez vous les Rainbows ?
    gardez vous des spécimens vivants pour Jakarta ?
    Selamat malam !
    Nathalie.

  2. Cher Bernard,

    J’ai bien aimé me laisser bercer par les images de vos émotions poétiques et amicales. J’ai cru y reconnaître un certain que je vois bien…
    De tout coeur avec vous.
    Une pensée pour Olga.
    Un bouquet pour tous.

    Thésée

  3. Et bien puisque vous nous lisez le soir avant de vous endormir Papy D’Jack se lache un peu.

    Imaginons, nous sommes en 1870, sur les bords du lac Tangnyka. Henry Stanley retrouve Livingstone et décrit la rencontre, en direct, sur son blog du Herald tribune.
    David Livingstone I Supose ?

    ça fait rêver non ?
    Et bien moi, si. Alors:
    Vivre en direct cette difficile expédition, commenté par les acteurs-scientifiques eux-même, connaître leurs voix par radio papou. Moi je dis bravo.
    « Allez les p’tits gars ! »
    Bravo aux écrivains, hou aux vilains !

    A part ça je pose les mêmes questions que Nathalie.L

    Et puis un petit peu de Hugues Aufray des fois ça boost:

    Les gens nous prenaient pour des fous
    mais nous, on passera partout
    Et nous seront au rendez-vous
    de ceux qui nous attendent.

    (Refrain)

    Il arrive, parfois, le soir,
    comme un petit goût de cafard
    Et ce n’est qu’un peu de brouillard
    que le soleil déchire.

    (Refrain)

    Quand tout sera terminé,
    y faudra bien se séparer
    Mais on oubliera jamais
    ce qu’on a fait ensemble. Ouais

    Amitiés, D’Jack

  4. Merci vraiment de nous faire partager tout cela ..
    Je pense que j’aurais bien aimé le bob -pirogue !
    Jean , je vois que tu as plein de boulot , il faudra etre 2 l’année prochaine ?
    En attendant , te serait il possible de photographier tout ce qui pique , mord , tranche , brule ainsi que les « lésions » engendrées ? peut etre l’as tu déjà fait du reste .
    Merci pour cette page de médecine occidentalo- papouase.

    Bonne continuation à tous et pensées +++

  5. Merci Olga, effectivement je suis rassurée, d’autant que pas malade pour l’instant, ah ah !
    Gardez-le près de vous, il est indispensable, à en croire vos déboires avec la faune et la flore locale, belles mais belliqueuses !

    Un grand merci à toi Olga pour ta disponibilité, c’est admirable, un grand bravo à vous tous qui nous écrivez, soyez rassurés sur vos narrations, on a vraiment l’impression d’y être, c’est très vivant et excitant (et drôle en plus) !!

    Nuovo Domenico s’y colle très bien, Jean, Jean-Michel (snif, parti), Bernard, Laurent, Bruno (comment va le tibia ?) et les autres aussi, peut-être ceux qui n’ont pas encore osé nous raconter leurs découvertes vont enfin tâter le clavier…

    Jean, j’aurais voulu être du voyage afin de contempler dans leur habitat naturel les paradisiers, ces merveilles de Papouasie Nouvelle Guinée (dont la plupart des espèces semblent plutôt concentrées dans la partie orientale de l’île, donc pas de regrets), mais finalement après lecture de votre compte rendu personnel sur les bébêtes, je suis très bien dans mon salon, à lire vos aventures tous les jours…et à compatir de vos mésaventures !
    Courage ! A vous et à vos familles ! Vive internet, qui permet de garder le contact avec ses proches et de les rassurer (comment les explorateurs et leurs familles pouvaient gérer l’absence et l’inconnu autrefois ???)
    Enfin, un grand merci à Jef pour son boulot remarquable, Lengguru n’est qu’à deux clics de nous…

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